5 Août 2016
Merci aux éditions Fayard pour ce service presse !
Edition : Fayard
Date de publication : 22 aoùt 2016
Format : Roman
Genre : drame
L'auteur : Sara Novic
Résumé : Ana Juric est une enfant croate qui habite à Zagreb et mène une existence paisible avec ses parents, sa petite sœur Rahela et son meilleur ami Luka lorsque la guerre avec les Serbes éclate. Bientôt, ce sont les premiers raids, la peur au quotidien, l’afflux des réfugiés. Mais le pire reste à venir : au cours d’une expédition en Bosnie pour tenter de faire soigner Rahela, Ana et sa famille tombent dans une embuscade. Seule survivante, Ana va apprendre le maniement des armes dans un village rebelle avant de quitter le pays et de trouver refuge aux États-Unis. Arrivée en Amérique, Ana tente de reconstruire sa vie et de tirer un trait sur le passé. Mais devenue jeune femme, elle découvre qu’il faut parfois se confronter à ses démons pour reprendre le cours de sa vie.
Mon avis :
Ce roman est partagé en trois parties. Si Ana est l'héroïne de ces trois parties, elle est bien différente d'un chapitre à l'autre. La première Ana est une enfant âgé d'environ dix ans. Elle vit paisiblement avec sa famille à Zagreb. Elle n'est pas riche mais elle se satisfait du vieux canapé qui lui sert de lit. Même si elle envie le matelas confortable de son meilleur ami. Elle va à l'école, joue au Trg et fait des courses pour son oncle, comme tous les enfants. Jusqu'à ce qu'arrive la guerre. Perfide, elle se manifeste par une discrimination serbe/croate, qu'Ana ne comprend pas. Après tout, quelle différence y a-t-il entre des cigarettes serbes et des cigarettes croates ? Puis, peu à peu, son terrain de jeu favori devient un camp improvisé pour des exilés fuyant la guerre. Arrivent ensuite les exercices de confinement au cours desquels les enfants apprennent à rejoindre l'abri le plus proche en cas de raid aérien. Tout d'abord, c'est comme un jeu. La sirène résonne, on court se cacher , on fait la queue en croisant les doigts pour être le premier à pédaler sur le vélo produisant l'électricité pour l'abri sous-terrain. C'est plutôt amusant pour des enfants qui ne comprennent pas les implications affreuses qu'ont ces événements. Les véritables raids arrivent et la lassitude s'intalle ainsi qu'un sentiment d'insécurité. Certains disparaissent sans raison.
Le premier changement intervient lorsque Rahela, la petite soeur d'Ana, est tellement malade qu'il faut l'emmener voir des médecins dans d'autres villes. Au bout d'un certain temps, alors que la guerre est bien présente, la famille d'Ana doit emmener Rahela à Sarajevo pour la soigner. Rahela doit être envoyée aux Etats-Unis dans une famille d'accueil pour y être soignée. C'est un déchirement pour la famille, mais ce n'est rien comparé à la suite. Lorsque les parents d'Ana et Ana prennent la route pour rentrer à Zagreb, ils tombent sur un barrage routier. Ce jour-là, Ana perd ses parents et fait la morte pour survivre.
Cette partie était vraiment très émouvante, quoiqu'il y ait eu quelques longueurs. Néanmoins, ces passages parfois languissant participent efficacement à la construction de l'histoire. On développe une empathie certaine pour cette famille, et on souffre en même temps qu'elle. L'ambiance se fait de plus en plus pesante, alors qu'on comprend, en temps qu'adulte, ce qu'Ana, qui est notre unique repère dans cette histoire, ne comprend pas. L'horreur qu'on pressent, et qu'on lit, se heurte violemment à l'innocence d'Ana, incapable de comprendre pourquoi cette guerre existe.
La deuxième partie présente Ana lors de sa deuxième vie, alors qu'elle a été adoptée par la famille d'accueil de sa soeur. On la découvre en porte-parole des enfants qui ont survécu seuls à la guerre. On découvre les doutes qui l'envahissent alors que sa vie est parfaite, si on oublie son passé. La facilité avec laquelle l'auteur arrive à nous faire voir cette femme forte puis à ôter lentement la carapace qu'elle s'est forgée est déconcertante. La vie d'étudiante est bien décrite et les sentiments d'expatriées paraissent plutôt justes. Bien que cette partie ne soit pas la plus passionnante du roman, on y apprend beaucoup de choses et l'ambiance est encore une fois très juste. En tant que lecteur, on prend conscience du lourd passé d'Ana en même temps qu'elle. Ses secrets, on les découvre comme si elle même acceptait de nous les livrer. Et ils sont affreux, ses secrets, ils sont crève-coeur.
La troisième partie quant à elle nous montre ce que devient Ana, ou du moins la façon dont elle essaie de se reconstruire malgré et grâce à tout ce qu'elle a vécu. Cette partie aurait été parfaite avec un paragraphe de plus qui aurait donné une vraie fin. J'aurais aimé savoir ce que devient l'héroïne à la fin de l'histoire. Cependant, le choix d'avoir laissé la vie d'Ana en suspens est justifié dans le sens où elle se construit une vie qui respecte ses souvenirs et ne les rejette plus.
Dans l'ensemble, j'ai plutôt apprécié ce livre. Je me suis demandée longtemps s'il s'agissait d'une biographie ou d'une autobiographie tellement j'ai été prise dans les émotions de cette histoire. Il n'en est rien. L'auteur n'est pas la petite Ana, et si elle a des origines croates, elle n'a pas connu vraiment ce conflit. Elle a pourtant su dépeindre avec justesse la candeur de l'enfance qui s'étiole sous les feux de la guerre. C'était poignant et terriblement émouvant. Toutefois, j'aurais aimé peut-être moins de détachement et plus de transitions lorsque les souvenirs d'Ana sont évoqués. Parfois, elle paraît totalement distanciée et j'avoue que cela a perturbé ma lecture. De même, j'aurais apprécié qu'on se penche plus sur les sentiments amoureux d'Ana. Ils se résument à quelques rares questionnements rapidement évincés. Il y a également certaines longueurs qui n'ont à mon sens pas grand intérêt et qui coupent l'élan que le lecteur prend lorsqu'il se plonge dans l'histoire.
Verdict : ♥♥♥♥ Une bonne lecture, saisissante malgré quelques moments qui prennent un peu trop de place. C'est une histoire qui dépeint sans renfort de tournures violentes les horreurs et les incohérences de la guerre. Etrangement, on en ressort à la fois rempli d'espoir et accablé.